« Vinyl sounds better », mais à quel prix ?

vinyl sounds better

Ces cinq dernières années, l’explosion du vinyle dans la planète techno a corrélativement fait apparaître sur la Toile une ribambelle de distributeurs en ligne de vinyles.

Alors que l’achat de vinyles semble prendre tout son sens chez les disquaires indépendants, la révolution numérique a aussi grandement influencé sur le « tout analogique ». Et désormais c’est majoritairement par le biais des distributeurs en ligne de vinyles que la planète techno se fournit en galettes noires.

Présentons rapidement les principaux distributeurs :

www.decks.de pionnier dans son genre, decks possède la complète panoplie du dj. Une base de données complète recensant charts, pre-sale, repress et nouveautés, un lecteur de bonne qualité, un référencement comparatif pertinent, du matériel performant et merchandising en vente. Victime de son succès, les vinyles en vente, souvent en faible quantité (entre 150 et 1000 copies par release) sont très rapidement sold-out. Avec une distribution quasi universelle, decks s’est vu ériger en premier site de vente de vinyles en ligne. 

deejay.de

www.deejay.de et www.juno.co.uk petits frères respectivement allemand et anglais sont apparus récemment et dépendent bien souvent eux-mêmes de decks. Soit qu’ils achètent les vinyles chez decks le « major » et les revendent ensuite sur leurs propres plateformes. Ils sont néanmoins aussi souvent les premiers maillons de la chaîne de distributeurs de jeunes labels techno car ils offrent des conditions contractuelles souvent plus intéressantes que decks.

Seulement, le marché du vinyle s’assombrit. Et lorsque les ventes sont closes, que plus aucun des distributeurs n’a en stock la très convoitée galette noire que tout le monde s’arrache, c’est le marché noir qui s’ouvre alors et prend, bien trop souvent, des dimensions absurdes.

C’est www.discogs.com qui prend alors le relais. Lorsque le marché « officiel » est saturé, ce sont les particuliers, voire même les disquaires indé qui s’y collent. L’idée est simple. Vous cherchez un vinyle second hand ou même jamais joué, vous vous rendez alors sur discogs et trouvez à l’aide du nom de l’artiste, du label ou de l’EP, le vinyle en question. Vous avez ainsi accès à la liste des revendeurs de ce vinyle partout dans le monde. Une sorte d’ebay du vinyle. Très honorable dans l’idée, puisque l’on admet sans problème que les goûts personnels varient et se diversifient, et donc que chacun ait envie à un certain moment de renouveler sa discographie.

Le problème majeur se situe dans l’ampleur qu’a pris cette pratique de « vide-grenier » de vinyles. Et si les images parlent souvent mieux que les mots, en voici un exemple flagrant. Ci-dessous, un vinyle datant de 1996 et produit par le maestro Ricardo Villalobos sous l’un de ses pseudonymes à connotation fortement allemande « Richard Wolfsdorf » :

Sans titre

A hauteur de 170€ et jusqu’à un prix de 10’000€ (mais est-il sérieux ?) vous pourrez donc acquérir ce précieux sésame, payé environ 7€ par l’acquéreur originel. Et que retire l’artiste de cette revente ? Strictement rien. La revente entre particuliers dévoile ici ses zones d’ombre. D’un monde de passionnés et de collectionneurs, le marché noir du vinyle a fait monter le sang au visage de nombreux artistes et distributeurs. Cela a eu tant d’impact qu’aujourd’hui certains distributeurs limitent l’achat de vinyles à un exemplaire par particulier. Car autant vous dire que certains en font leur métier. A force d’éplucher les distributeurs de vinyles et les habitudes des consommateurs, certains achètent en masse un vinyle qui se révélera rapidement sold-out pour ensuite faire monter les prix sur le marché parallèle. Mais plus choquant encore, les disquaires indépendants ont eux aussi leur page discogs. Et lorsque le vinyle n’est plus disponible à la vente, ils augmentent subséquemment leur prix de quelques dizaines d’euros, directement à leur profit personnel. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu’en pénétrant dans un disquaire il y a quelques mois, celui-ci me proposa le vinyle recherché à 40€, sous prétexte qu’il n’était plus disponible sur les distributeurs en ligne et donc devenu une perle rare.

C’est dans une grande consternation que se trouvent actuellement les distributeurs et artistes, contraints de « souffrir » le marché noir du vinyle. Certains labels pourtant, ont réussi à prendre les devants et choisi de faire échec au marché noir. Citons le légendaire label Perlon, dont les vinyles se revendaient jusqu’à peu bien trop chers, qui a cette année effectué de nombreux repress de vinyles datant des années ’90 et ’00. Mais si les repress ne sont pas monnaie courante aujourd’hui, il s’agit pourtant d’une excellente alternative au marché noir, qui remue encore trop d’argent entre ceux qui n’ont aucun mérite, à part celui d’avoir acheté les bons vinyles au bon moment.

Et pour finir sur une note musicale, prenons le temps d’écouter cette merveille de techno minimale signé Ricardo Villalobos aka Richard Wolfsdorf, vendu au dérisoire prix de 170€ (…)

Patachou.

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